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VIII
AVANT-PROPOS


la vérité, d’évidence mathématique, mais suffisamment convaincantes. Seule subsistera la preuve ontologique, qui cependant n’est pas indispensable, « car s’il est nécessaire de croire qu’il y a un Dieu, d’être convaincu de son existence, il ne l’est pas également qu’on démontre cette existence (1)[1] ». — Mais bientôt Kant cessa d’admettre la puissance démonstrative de l’Argument ontologique, Il s’était aperçu que les jugements d’existence sont des jugements synthétiques, qui ajoutent au concept la réalité de la chose, et que lt’ou ne saurait conclure d’une idée à l’objet lui-même. La seule garantie de la réalité consiste pour nous dans l’expérience. Nous devons partir de la perception et n’admettre comme existant que ce qui constitue nos perceptions elles-mêmes, ou ce qui leur est lié par raisonne-ment. Donc la raison contemplative, en portant ses regards sur les choses du monde, ne saurait découvrir, dans la spéculation, les vérités d’ordre théologique, auxquelles cependant l’homme tient de toute son âme.

Mais si Dieu, l’immortalité et la liberté du vouloir échappent à la raison spéculative, faudra-t-il regarder ces objets nécessaires comme inaccessibles à la Raison et ne pourrons-nous pas les saisir, au contraire, par un autre usage de la raison ? Par delà les choses visibles l’ordre théorique atteint l’invisible, et les phénomènes postulent l’existence dès choses en soi, dont nous savons simplement qu’elles sont, sans pouvoir connaître ce qu’elles sont, comme le dira la Critique. Il serait beau de pouvoir, en partant « d’une observation universellement admise (2)[2] », conclure également qu’il est un monde ;.intelligible, formé de substances spirituelles, monde dont nous ferions partie sous le gouvernement de Dieu, — ou d’arriver au moins à le supposer avec vraisemblance. Or, si nous tirons de l’expé-

  1. (1) Der einzig mögliche Beweisgrund zu einer Demonatration des Da-Reins Gottes (1763).
  2. (2) Träume eines Geislersehers (1766), éd. Kebrbach, p. 22.