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COEXISTENCE DU MAUVAIS PRINCIPE AVEC LE BON

bourgeoise par souci de son repos ou de son intérêt, etc. Tous se basent sur le principe si apprécié du bonheur. Mais pour devenir bon, non seulement légalement, mais encore moralement (pour se rendre. agréable à Dieu), c’est-à-dire pour devenir un homme vertueux sous le rapport du caractère intelligible (virtus Noumenon), et qui n’a plus besoin, quand il reconnaît quelque chose comme un devoir, d’aucun autre mobile que de la représentation du devoir même, on ne saurait se contenter d’une réforme progressive, tant que demeure impure la base des maximes, mais il faut que s’opère, au fond de l’intention de l’homme, une révolution (qui le fasse passer à la maxime de la sainteté de cette intention) ; ce n’est donc que par une sorte de régénération., ou même de création nouvelle (Évangile selon saint Jean, III, 5 ; cf. 1. Moïse, I, 2), et par un changement de cœur que l’homme peut devenir un homme nouveau.

Mais s’il est corrompu jusques au fond de ses maximes, comment l’homme peut-il opérer par ses propres forces la révolution nécessaire et redevenir par lui-même homme de bien ? Et pourtant le devoir ordonne d’être tel, lui qui ne nous ordonne que des choses réalisables. Le seul moyen de concilier ces deux choses est de déclarer nécessaires, et par suite possibles à l’homme, la révolution dans la manière de penser et la réforme progressive dans la manière de sentir (qui oppose des obstacles à cette révolution). C’est dire qu’aussitôt que, par une décision unique et immuable, l’homme a transformé le principe suprême de ses maximes, qui faisait de lui un homme mauvais (et qu’il a de la sorte revêtu un homme nouveau), il est, dans le principe et quant à la manière de penser, un sujet accessible au bien (ein fürs Gute empfängliches Subject), mais que c’est seulement par de continuels efforts qu’il deviendra homme de bien ; c’est-à-dire qu’en raison de la pureté du principe dont il a fait la maxime suprême de son libre arbitre et