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COEXISTENCE DU MAUVAIS PRINCIPE AVEC LE BON

garde toujours une volonté bonne, l’espoir d’un retour au bien dont il s’est écarté.

[REMARQUE GÉNÉRALE][1]

< V >. — Du rétablissement dans sa force de la disposition primitive au bien.

L’homme doit nécessairement s’être fait ce qu’il est au point de vue moral, ou se faire lui-même ce qu’il doit devenir, bon ou mauvais. Sa qualité morale doit être un effet de son libre arbitre ; car autrement elle ne pourrait pas lui être imputée, et, il ne serait ni bon ni mauvais moralement. Dire qu’il est né bon, c’est dire seulement qu’il est né pour le bien et que sa disposition primitive est bonne ; mais l’homme pour cela n’est pas encore bon lui-même, c’est au contraire en acceptant ou non dans sa maxime (ce qui doit être entièrement laissé à son libre choix) les mobiles contenus dans cette disposition, qu’il se donne à lui-même la qualité d’être bon ou d’être mauvais. Supposé que, pour devenir bon ou meilleur, soit encore requise une coopération surnaturelle, qui peut être indifféremment un simple amoindrissement des obstacles ou même un secours positif, l’homme n’en doit pas moins commencer par se rendre digne de recevoir cette assistance et par accepter Ce concours (ce qui est déjà quelque chose = welches nichts Geringes ist), c’est-à-dire admettre dans sa maxime l’augmentation positive de forces par laquelle seule il devient passible que le bien lui soit imputé et qu’il soit reconnu pour un homme de bien.

Or comment se peut-il qu’un homme naturellement mauvais se rende par lui-même bon ? cela dépasse toutes nos idées ; comment en effet un arbre mauvais peut-il produire

  1. Ce titre est une addition de la 28 édition.