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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

vraie de l’homme en général : « Il n’y a pas ici de différence, tous sont également pécheurs ; ― il n’y en a pas un qui fasse le bien (selon l’esprit de la loi), non, pas un[1]. »


IV. ― DE L’ORIGINE DU MAL DANS LA NATURE HUMAINE.


L’origine (première) est le fait par lequel un effet dérive de sa cause première, c’est-à-dire d’une cause telle qu’elle n’est pas à son tour un effet dérivant d’une autre cause du même genre. On peut l’envisager sous deux aspects : comme origine rationnelle ou comme origine temporelle ; l’une ne considère que l’existence de l’effet, et l’autre en concerne le devenir et par suite prend cet effet comme un événement qu’elle rapporte à ce qui en est la cause dans le temps. Lorsque l’effet est rapporté à une cause, à laquelle en effet il se rattache selon des lois de liberté, comme c’est le cas dans le mal moral, la détermination du libre arbitre à le produire n’est pas alors conçue comme liée à ce qui, dans le temps, est pour l’effet le principe déterminant, mais simplement à ce qui l’est dans la re-

  1. La preuve proprement dite de cette sentence de condamnation portée par la raison morale n’est pas dans la section présente, mais dans celle qui la précède ; nous ne donnons ici que la confirmation de ce jugement par l’expérience qui ne peut jamais découvrir la racine du mal dans la maxime souveraine du libre arbitre par rapport à la loi, car en sa qualité de fait intelligible cette raison précède toute expérience. Par suite, étant donné que l’unité de la maxime souveraine est nécessaire outre l’unité de la loi à laquelle elle se rapporte, on peut voir aisément pourquoi le jugement intellectuel pur de l’homme doit avoir pour fondement le principe de l’exclusion de tout milieu entre le bien et le mal, tandis qu’on peut donner pour base au jugement empirique qui porte sur le fait sensible (l’action ou l’omission réelles) le principe suivant : il existe un milieu entre ces deux extrêmes, et ce milieu est, d’une part, quelque chose de négatif, le milieu de l’indifférence, qui précède toute culture, et d’autre part quelque chose de positif, le milieu du mélange par lequel on est moitié bon et moitié mauvais. Mais le jugement empirique n’est que le jugement de la moralité de l’homme dans le phénomène et il est subordonné au jugement intellectuel dans le jugement final.