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COEXISTENCE DU MAUVAIS PRINCIPE AVEC LE BON

tifs immoraux aux mobiles moraux (même quand ce serait dans une bonne intention et en vertu de maximes du bien), c’est-à-dire l’impureté du cœur humain ou de la nature humaine ; c’est, enfin, le penchant à l’adoption de maximes mauvaises, c’est-à-dire la méchanceté de la nature humaine ou du cœur humain.

En premier lieu, la fragilité (fragilitas) de la nature humaine est même exprimée dans la plainte d’un Apôtre : « J’ai bien la volonté, mais l’exécution fait défaut » ; ce qui revient à dire : Je prends le bien (la loi) pour maxime de mon libre arbitre, mais ce bien qui est objectivement, dans l’idée (in thesi), un mobile invincible, est, subjectivement (in hypothesi), quand il faut suivre la maxime, dans la pratique, le plus faible mobile (comparé à l’inclination).

En second lieu, l’impureté (impuritas, improbitas) du cœur humain consiste en ce que la maxime, tout en étant bonne quant à l’objet (quant à l’intention que l’on a de mettre la loi en pratique), et peut-être même assez puissante pour qu’on passe à l’acte, n’est pas cependant moralement pure, c’est-à-dire n’a pas, comme ce devrait être, admis en elle la loi morale seule comme mobile suffisant, mais a encore besoin le plus souvent (peut-être toujours) que d’autres mobiles se joignent à celui-ci pour déterminer le libre arbitre à ce qu’exige le devoir. Autrement dit, l'impureté consiste en ce que des actions conformes au devoir ne sont pas accomplies purement par devoir.

Enfin, la méchanceté (vitiositas, pravilos) ou, si l’on aime mieux, la corruption (corruptio) du cœur humain est le penchant du libre arbitre à des maximes qui subordonnent les mobiles tirés de la loi morale à d’autres mobiles (qui ne sont pas moraux). Elle peut encore s’appeler la perversité (perversitas) du cœur humain, parce qu’elle pervertit l’ordre moral relativement aux mobiles d’un libre arbitre, et si malgré cela des actions (légales), bonnes au regard de la loi (gesetzlich gute), peuvent toujours être