Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
28
LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

mobile ayant la civilisation pour fin l’idée d’une pareille émulation (laquelle n’exclut point l’amour réciproque des hommes). Les vices qui se greffent sur ce penchant peuvent conséquemment être appelés des vices de la civilisation, et quand ils atteignent le degré de méchanceté le plus élevé (n’étant alors simplement que l’idée d’un maximum du mal, chose qui dépasse l’humanité), comme c’est le cas, par exemple, dans l’envie, dans l’ingratitude, dans la joie des maux d’autrui, etc., ils reçoivent le nom de vices sataniques.

3. La disposition à la personnalité est la capacité d’éprouver pour la loi morale un respect qui soit un mobile suffisant par lui-même du libre arbitre. Cette capacité d’éprouver simplement du respect (Empfänglichkeit der blossen Achtung) pour la loi morale en nous, serait le sentiment moral qui, par lui-même, ne constitue pas une fin de la disposition de la nature, mais qui a besoin, pour le devenir, d’être un mobile du libre arbitre. Or, la seule chose qui puisse lui donner cette qualité, c’est qu’il soit accepté par le libre arbitre dans sa maxime ; et l’essence du libre arbitre qui prend pour mobile ce sentiment, est d’avoir la bonté pour caractère ; ce caractère bon, comme en général tous les caractères du libre arbitre, est une chose qui peut seulement être acquise, mais qui a besoin pour être possible de trouver dans notre nature une disposition sur laquelle ne peut être greffé absolument rien de mauvais. Sans doute, l’idée de la loi morale, en y comprenant le respect qu’on ne saurait en séparer, ne peut pas justement être appelée une disposition à la personnalité ; elle est la personnalité même (l’idée de l’humanité considérée d’une manière tout à fait intellectuelle). Mais, dans le fait que nous acceptons ce respect pour mobile dans nos maximes, intervient le principe subjectif, qui parait être une addition faite à la personnalité et mériter conséquemment le nom d’une disposition sur laquelle s’appuie la personnalité.