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nière d’être innée que l’homme tient de sa nature, ce n’est pas non plus ici dire qu’elle n’est pas acquise par l’homme en qui elle réside, car l’homme alors n’en serait pas l'auteur, mais seulement qu’elle n’est pas acquise dans le temps (que l’homme est pour toujours tel ou tel depuis sa jeunesse). L’intention, entendez par là le principe subjectif ultime de l’acceptation des maximes, ne peut être qu’unique en nous et porte universellement sur l’usage entier de la liberté. Mais il faut qu’elle ait elle-même été acceptée par le libre arbitre, car autrement elle ne pourrait pas être imputée. Pour ce qui est de cette acceptation, nous ne pouvons plus en connaître le principe subjectif ou la cause (bien que nous soyons fatalement portés à cette recherche ; car dans le cas contraire, il nous faudrait toujours alléguer une autre maxime où serait admise cette intention et cette maxime à son tour devrait, elle aussi, avoir un principe). Or, ne trouvant point dans le temps d’acte premier du libre arbitre d’où nous puissions déduire cette intention, ou plutôt son principe, nous la nommons une manière d’être du libre arbitre, et (quoique, dans le fait, elle soit fondée dans la liberté) nous la disons venir de la nature. Quand nous disons que l’homme est, de sa nature, bon ou mauvais, nous n’avons pas en vue tel individu pris à part (car alors on pourrait admettre que l’un est bon et l’autre mauvais par nature), mais bien toute l'espèce humaine. Que nous ayons le droit d’entendre ainsi ce mot, c’est ce qui sera prouvé dans la suite, s’il ressort de l’étude anthropologique que les motifs qui nous autorisent à attribuer à un homme, comme inné, l’un des deux caractères, sont de telle nature qu’il n’y a aucune raison d’en excepter un seul individu et que, par conséquent, ce qui est dit de l’homme s’applique à son espèce.