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que ce principe subjectif soit un acte de liberté (car autrement on ne pourrait pas le rendre responsable de l’usage ou de l’abus que fait l’homme du libre arbitre par rapport à la loi morale, ni appeler moral le bien ― ou le mal ― contenu en lui. Par conséquent, le principe du mal ne peut pas se trouver dans un objet déterminant le libre arbitre par inclination, ni dans un instinct naturel, mais seulement dans une règle que le libre arbitre se fait à lui-même pour l’usage de sa liberté, c’est-à-dire dans une maxime. Il faut s’arrêter à cette maxime sans vouloir encore se demander quel principe subjectif pousse l’homme à accepter plutôt l’une que l’autre des deux maximes opposées. Car si ce principe, en définitive, se trouvait ne plus être lui-même une maxime, mais un simple instinct naturel, l’usage de la liberté pourrait entièrement se ramener à une détermination par des causes physiques : ce qui implique une contradiction. Aussi, quand nous disons de l’homme qu’il est naturellement bon ou qu’il est mauvais par nature, voulons-nous simplement signifier par là qu’il renferme un principe[1] absolument premier (et qui nous est impénétrable), en vertu duquel il adopte de bonnes maximes ou de mauvaises (qui sont opposées à la loi) ; et cela doit s’entendre de l’homme pris universellement qui exprime ainsi, grâce à ces maximes, avec son caractère, celui de toute son espèce.

Nous dirons donc de chacun de ces caractères (qui sont

  1. Que le principe subjectif premier de l’acceptation des maximes morales soit impénétrable, c’est une chose dont il est aisé de se rendre compte. En effet, puisque cette acceptation est libre, le principe (en vertu duquel, par exemple, j’ai adopté plutôt une mauvaise qu’une bonne maxime) ne doit pas en être cherché dans un mobile naturel, mais toujours encore dans une maxime ; et comme il faut que celle-ci ait également son principe et que l’on ne peut ni ne doit, hormis la maxime, mettre en avant un principe de détermination du libre arbitre, on se verra contraint d’aller toujours plus loin et de remonter jusqu’à l’infini dans la série des principes subjectifs de détermination, sans pouvoir arriver au principe premier.