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PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION


ner de l’autorité qu’au moyen de lois de contrainte ; et ce qui se présente de soi-même à la critique ouverte (öffentliche) de chacun doit se soumettre à une critique armée de la force, c’est-à-dire à une censure.

Toutefois, comme le commandement qui ordonne d’obéir à l’autorité est lui aussi moral, et que son observation, comme celle de tous les devoirs, peut être rapportée à la religion, il convient à un ouvrage consacré au concept précis de la religion de donner lui-même un exemple de cette obéissance dont le vrai témoignage exige non pas simplement qu’on soit attentif à la loi d’un seul ordre dans l’État en étant aveugle pour tous les autres, mais bien que l’on ait un respect égal envers tous les ordres ensemble. Or le théologien chargé d’examiner les livres peut avoir pour fonction soit de veiller simplement au salut des âmes, soit de se préoccuper en même temps du salut des sciences ; dans le premier cas, on ne l’a fait juge que parce qu’il est ecclésiastique, dans le second, parce qu’il est en même temps savant. Comme membre d’une institution publique qui (sous le nom d’Université) a la charge de cultiver toutes les sciences et de les préserver de toute atteinte, le savant doit restreindre les prétentions de l’ecclésiastique et imposer à sa censure la condition de ne causer aucun dommage dans le champ des sciences ; et si les deux censeurs sont des théologiens bibliques, c’est au savant, en tant que membre de l’Université et de la Faculté qui a pour objet la théologie, qu’appartient le droit de censure supérieur, car en ce qui touche la première tâche (le salut des âmes), tous deux ont une mission identique, et en ce qui regarde la seconde (le salut des sciences), le théologien, comme savant attaché à l’Université, a, en outre, une fonction spéciale à remplir. Si l’on s’écarte de cette règle, il arrivera à la fin ce qui est déjà arrivé autrefois (au temps de Galilée, par exemple) ; le théologien biblique, pour abaisser la fierté des sciences et s'épar-