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PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION


l’homme de détermination volontaire possible, parce qu’elle ne peut pas exister sans effet et qu’on doit pouvoir regarder la représentation de cet effet sinon comme un principe déterminant du libre arbitre ou comme une fin servant de prémisse à l’intention que l’on forme, du moins comme une conséquence de la détermination, par la loi, du libre arbitre à une fin (finis in consequentiam veniens) ; sans quoi un libre arbitre qui à l’action visée par lui n’ajouterait point, pour la compléter, l’idée d’un objet objectivement ou subjectivement déterminé (que cette action doit ou devrait atteindre), connaissant bien comment il doit agir, mais ne sachant pas dans quel but, ne pourrait pas se suffire à lui-même. Ainsi pour la morale point n’est besoin de fin pour bien agir, et à elle seule la loi suffit qui contient la condition formelle de l’usage de la liberté en général. Mais de la morale découle pourtant une fin ; car il est impossible que la raison demeure indifférente à la solution de cette question : que résultera-t-il de notre bonne conduite et quel but pouvons-nous, même s’il n’est pas tout à fait en notre puissance, assigner comme fin à notre activité, pour être d’accord au moins sur ce point ? Ce ne pourra être, sans doute, que l’Idée d’un objet réunissant en lui la condition formelle de toutes les fins que nous devons poursuivre (le devoir) en même temps que tout le conditionné adéquat à ces fins que nous poursuivons (le bonheur que comporte l’observation du devoir), c’est-à-dire l’Idée d’un souverain bien dans le monde qui, pour être possible, exige qu’on suppose un Être suprême moral, très saint et tout-puissant, seul capable d’en réunir les deux parties constitutives ; or cette Idée (considérée pratiquement) n’est pas vide de contenu ; car elle remédie au besoin naturel que nous avons de concevoir pour notre conduite dans son ensemble un but final que la raison puisse justifier, besoin qui serait sans cela un obstacle à la résolution morale. Or, et c’est ici le point principal, cette idée dérive de la mo-