Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

citoyens d’un État divin à représenter sur la terre, un devoir immédiatement obligatoire pour eux tous ; en supposant qu’une pareille Église ne contienne pas des cérémonies conduisant à l’idolâtrie ou pouvant gêner la conscience : ce qui, par exemple, serait le cas de certaines adorations adressées à Dieu personnifié dans sa bonté infinie sous le nom d’un homme, puisque la représentation sensible de l’Être suprême est contraire au précepte de la raison : « Tu ne l’en feras point d’image », etc. Quant à vouloir faire, par elle-même, de cette fréquentation un moyen de grâce, comme si c’était là immédiatement servir Dieu, et qu’à la célébration d’une telle cérémonie (qui est la simple représentation sensible de l’universalité de la religion) Dieu avait attaché des grâces spéciales, c’est une erreur qui est en parfait accord, je l’avoue, avec la façon de penser de tout bon citoyen d’un État politique et avec les convenances extérieures, mais qui non seulement ne contribue en rien à donner à l’homme la qualité de bon citoyen du règne de Dieu, mais qui fausse encore cette qualité et sert à déguiser sous des couleurs trompeuses, aux yeux des autres et à ses propres yeux, le peu de fond moral de son intention.

3. La consécration solennelle, qui n’a lieu qu’une fois, à la communauté de l’Église, c’est-à-dire l’admission d’un nouveau membre dans l’Église (dans le christianisme la cérémonie du baptême) est une solennité d’une haute importance qui impose de grandes obligations, tant au néophyte, s’il est capable de professer lui-même sa croyance, qu’à ses témoins qui s’engagent à l’élever avec soin dans cette croyance ; le

    au moins que l’on s’aperçoive que quelque chose a été fait. Si des hommes se croient très édifiés (par une homélie, une lecture ou un cantique), alors que, cependant, rien absolument n’est construit et qu’ils n’ont même point mis la main à l’ouvrage, c’est que, vraisemblablement, ils espèrent que cet édifice moral, à l’exemple des murs de Thèbes, s’élèvera tout seul, grâce à la musique de leurs soupire et de leurs désirs ardents.