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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

qui, de cette manière, se communiquent à tous (à cela correspond la fréquentation de l’église). 3) Il nous faut encore transmettre ce bien à la postérité, en faisant de nouveaux adeptes que nous recevrons comme membres dans la communauté de la foi, et que nous devrons élever dans notre croyance (à cela correspond le baptême dans la religion chrétienne). 4) Nous devons enfin maintenir cette communauté de foi par le moyen d’une cérémonie publique et souvent répétée, cérémonie qui rend tout à fait permanente l’union des fidèles en un corps moral, et cela, suivant le principe de l’égalité de leurs droits et d’une participation commune aux fruits du bien moral (à cela correspond la communion).

Dans les choses de religion, tout acte qui n’est point uniquement moral, mais auquel pourtant on recourt comme à un moyen capable en lui-même de nous rendre agréables à Dieu pour satisfaire ainsi, grâce à lui, tous nos vœux, dénote une foi fétichiste, la persuasion où l’on est que pour qu’un effet se produise, quand ni les lois physiques, ni les lois morales de la raison ne seraient à même de le produire, il suffit qu’on croie fermement que ce qu’on désire se produira et qu’on accompagne cette croyance de certaines cérémonies. Même s’il a déjà la conviction que tout dépend ici du bien moral auquel seule l’action peut donner l’existence, l’homme esclave des sens (der sinnliche Mensch) cherche des détours qui lui permettront d’échapper à cette pénible condition et les trouve dans cette idée que, si seulement il se plie aux rites (à la cérémonie), Dieu prendra cela pour le fait lui-même ; ce qui, assurément, devrait être appelé une immense grâce accordée par Dieu, si l’on pouvait y voir quelque chose de plus qu’une grâce dont nous rêvons dans une fausse confiance, ou même, on peut le dire, qu’une confiance hypocrite. Et c’est ainsi que l’homme, dans toutes les croyances qui existent dans l’univers, s’est imaginé posséder des moyens