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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

dans l’intention d’accomplir tous les vrais devoirs regardés comme des préceptes divins, au lieu de se réduire à certaines actions ayant Dieu en vue exclusivement. Seulement l’invisible a besoin, malgré tout, chez l’homme d’être représenté par quelque chose de visible (de sensible), d’en être accompagné, ce qui est plus encore, ainsi que le veut l’intérêt pratique (zum Behuf des Praktischen), et, bien que d’essence intellectuelle, de se rendre pour ainsi dire susceptible d’intuition (par une certaine analogie) ; ce moyen, dont sans doute nous ne pourrions point nous passer, nous expose pourtant au danger du malentendu qui consiste à nous figurer notre devoir comme se ramenant au seul et unique culte de Dieu, et, par une illusion qui se glisse en nous aisément, l’on arrive à l’envisager comme étant lui-même ce culte, et d’ailleurs c’est ce nom qu’ordinairement on lui donne.

Ce prétendu culte de Dieu, si on lui restitue son véritable esprit et sa vraie signification, qui est d’être une intention consacrée au règne de Dieu en nous tout comme hors de nous, peut être divisé, même par la raison, en quatre devoirs spéciaux à côté desquels des cérémonies qui n’ont pas avec eux de lien nécessaire, sont venues se placer comme correspondantes, parce qu’on y a vu, dès l’antiquité, de bons moyens sensibles propres à servir de schème aux devoirs et à nous porter, de cette manière, à maintenir notre attention fixée sur le véritable culte de Dieu. Tous ces devoirs ont une fin commune : favoriser le bien moral. 1) Il nous faut tout d’abord fonder ce bien en nous, l’y établir solidement et réveiller constamment dans nos âmes l’intention d’agir moralement (à cela correspond la prière privée). 2) Nous devons travailler ensuite à l’extension extérieure du bien, en fréquentant les assemblées publiques, qui se font aux jours consacrés, pour y exposer à voix haute des doctrines, pour y exprimer des souhaits religieux (et des intentions religieuses),