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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

est, par contre, l’achèvement, qui lui permet d’espérer le succès final, la réalisation de toutes nos fins bonnes, ce qui est pour elle un couronnement.


§4. — Du fil conducteur de la conscience dans le domaine de la foi.


La question qu’on se pose ici n’est pas de savoir de quelle manière on doit guider la conscience (car elle ne veut pas de guide ; il nous suffit de l’avoir, elle), mais plutôt de quelle manière cette conscience elle-même peut servir de fil conducteur dans les décisions morales délicates.

La conscience (das Gewissen) est une connaissance (Bewusstsein) qui, par elle-même, est un devoir. Or, comment peut-on concevoir cela, étant donné que la connais-


    adeptes le caractère du découragement pour des raisons directement contraires à celles qui agissent dans la foi musulmane. ― Or, bien certainement, ce n’est pas sa nature interne qui mérite à la foi chrétienne une imputation analogue, mais un tel reproche a pour cause l’attitude des âmes qui l’embrassent de tout leur cœur, mais qui, ayant en vue la corruption humaine et doutant de toute vertu, placent leur principe de religion dans la seule dévotion (par où il faut entendre la passivité posée en principe par rapport à la piété qu’on ne peut espérer que d’un secours d’en haut) ; n’ayant jamais confiance en eux-mêmes, ils vivent toujours dans les transes, les yeux tournés vers une assistance surnaturelle, et croient avoir dans ce mépris d’eux-mêmes (qui n’est pas de l’humilité) un moyen de gagner les faveurs divines ; or les manifestations extérieures de ces sentiments (dans le piétisme [ou la bigoterie]) dénoncent des âmes serviles.

    dans le paganisme, trouvant qu’elle a un nom déjà suspect d’orgueil, la vertu qui consiste réellement à avoir ce courage et célèbrent, en revanche, les moyens d’obtenir les faveurs divines par platitude. — La fausse dévotion (bigoterie, devotio spuria) est une habitude qui porte à faire consister l’exercice de la piété non dans les actes agréables a Dieu (dans l’accomplissement de tous les devoirs humains) mais dans les marques de respect qui s’adressent à Dieu sans occupations intermédiaires ; de telles pratiques doivent, par suite, être rapportées au culte servile (opus operatum), et, par ailleurs, ajoutent à la superstition l’illusoire folie de sentiments tenus pour suprasensibles (célestes)(*).]

    (*) Tous les passages en crochets des notes des pp. 225 et 226 sont des additions de Kant lui-même à sa 2e édition.