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PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION (1793)

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Fondée sur le concept de l’homme, qui est celui d’un être libre et se soumettant de lui-même à des lois inconditionnées, la morale n’a pas besoin de l’Idée d’un autre Être supérieur à l’homme pour que l’homme connaisse son devoir, ni d’un autre mobile que la loi même pour qu’il l’accomplisse. C’est du moins la faute de l’homme, s’il trouve en lui un besoin de ce genre, auquel dès lors il ne peut plus remédier par rien ; car ce qui ne provient pas de lui-même et de sa liberté ne saurait lui servir à compenser ce qu’il lui manque de moralité (den Mangel seiner Moralilät). - Elle n’a donc aucunement besoin (pas plus objectivement, en ce qui regarde le vouloir [das Wollen], que subjectivement, en ce qui concerne le pouvoir [das Können]) de s’appuyer sur la religion ; mais, en vertu de la raison pure pratique, elle se suffit pleinement à elle-même. - Puisque, en effet, ses lois obligent par la simple forme de l’universelle conformité à la loi qu’il faut donner aux maximes que l’on en tire, condition suprême (elle-même inconditionnée) de toutes les fins, elle n’a nullement besoin d’un motif matériel de détermination du libre arbitre[1], c’est-à-dire d’une fin, ni pour connaître

  1. Ceux à qui le principe de détermination simplement formel (celui de la conformité a la loi) en général ne semble pas suffisant