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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

croient pouvoir faire pour se rendre agréables à Dieu est pure illusion religieuse et faux culte qu’on rend à Dieu. — Je dis : ce que l’homme croit pouvoir faire ; car je ne veux pas contester qu’au-dessus de tout ce qu’il est en notre pouvoir de réaliser, il ne puisse y avoir encore, dans les secrets de la sagesse suprême, quelque chose que Dieu serait seul à même de faire pour nous rendre agréables à sa divinité. Mais si l’Église avait à nous annoncer un pareil mystère comme une chose révélée, il y aurait une dangereuse illusion religieuse à prétendre que, par elle-même, la foi donnée à cette révélation, telle que nous la rapporte l’Histoire sainte, et la profession (interne ou externe) de cette foi nous rendent agréables à Dieu. En effet, cette foi, en tant qu’aveu intime de la vérité profonde de son objet (als inneres Bekenntniss seines festen Fürwahrhaltens), est un acte extorqué par la terreur ; et cela est si vrai qu’un homme loyal aimerait mieux se voir imposer n’importe quelle autre condition, — parce que tous les autres cultes serviles ne pourraient jamais lui donner à faire que des actions superflues ; tandis qu’ici on exige de lui un acte contraire à sa conscience, en voulant qu’il déclare vrai ce dont il n’est point convaincu. Donc, quand il réussit à se persuader que sa foi proclamée est capable par elle-même (comme acceptation d’un bien qui lui est offert) de le rendre agréable à Dieu, l’homme croit voir en cette profession une chose qu’il peut, en dehors d’une vie conforme aux lois morales et toute consacrée aux actes vertueux qu’on doit accomplir dans le monde, faire pour son salut en dirigeant son culte directement vers Dieu.

Premièrement, sous le rapport des imperfections de notre justice à nous-mêmes (justice qui vaut devant Dieu), la

    auraient leur raison dans la nature morale de l’homme, précisément perçu parce que ces actes sont libres et qu’il faut tirer du monde sensible les principes d’explication de tous les événements qui s’y réalisent.