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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

ports, c’est que tout ce qu’on fait uniquement pour plaire à la divinité (à condition de n’être pas contraire directement à la moralité, sans avoir besoin d’y contribuer en quoi que ce soit) est un témoignage d’empressement à servir Dieu comme des sujets soumis qui lui plaisent par cela même, et constitue un culte (in potentia) envers Dieu. ― Ce n’est pas toujours par des sacrifices que l’homme croit rendre ce culte à. Dieu ; on a dû souvent recourir à des fêtes pompeuses, même à des jeux publics, comme chez les Grecs et chez les Romains, en usage encore aujourd’hui, avec l’illusion de pouvoir ainsi rendre la divinité favorable à un peuple ou bien même à des particuliers. Mais les sacrifices (tels que les expiations, les mortifications, les pèlerinages, etc.) ont toujours été regardés comme plus puissants et plus efficaces pour obtenir la faveur du ciel et la rémission des péchés, parce qu’ils servent plus fortement à témoigner une soumission infinie (quoique non morale) à sa volonté. Et ces tourments qu’on s’inflige à soi-même nous paraissent d’autant plus saints qu’ils sont moins utiles et qu’ils visent moins à l’amélioration morale universelle de l’homme ; c’est précisément parce qu’ils sont tout à fait inutiles et que pourtant ils coûtent de la peine, qu’ils semblent avoir uniquement pour but de témoigner notre dévouement envers Dieu. ― Bien que ces pratiques, dit-on, soient en fait sans utilité au regard de Dieu, Dieu y voit, cependant, la bonne volonté et le cœur de l’homme, qui, sans doute, est trop faible pour obéir aux préceptes moraux, mais qui rachète cette imperfection par l’empressement ainsi témoigné. Or on saisit ici le penchant qui nous porte à prendre une attitude, qui n’a par elle-même d’autre valeur morale que de nous servir, peut-on dire, de moyen propre à élever notre faculté de représentation sensible assez haut pour qu’elle accompagne les idées intellectuelles de fin, ou à l’abaisser

    touche, il ne peut pas y avoir de religion, et toute adoration de Dieu serait donc une idolâtrie) 2e édition.