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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

absolu (exactement comme si c’était une fin) ce qui a seulement la valeur d’un moyen. La croyance à des dogmes tels que l’ignorant ne peut les connaître comme vrais ni par la raison, ni encore par l’Écriture (dont il faudrait d’abord démontrer l’authenticité) se verrait transformée en devoir absolu (deviendrait fides imperata) et serait élevée, avec les observances qui ne peuvent s’en séparer, au rang d’une foi qui sanctifierait, en sa qualité de culte servile, sans que soient nécessaires des principes moraux nous déterminant à l’action. — Une Église fondée sur ce dernier principe (Principium) n’a pas de serviteurs (ministri) à proprement parler, comme c’était le cas pour la précédente organisation, mais bien des fonctionnaires qui commandent de haut (officiales), et ces dignitaires ecclésiastiques, sans toujours se montrer dans l’éclat de la hiérarchie, ou paraître investis d’un pouvoir extérieur, et même en protestant là-contre (c’est ce qui se produit dans une église protestante), veulent toujours, en fait, se savoir regardés comme les interprètes, les seuls autorisés, de la sainte Écriture, après avoir ravi à la religion rationnelle pure, la dignité, qui lui appartient en propre, d’être toujours la souveraine interprète de l’Écriture, et avoir imposé la seule science de l’Écriture comme le vrai moyen d’appuyer la foi de l’Église. Au lieu de serviteurs de l’Église qu’ils devraient être, ils se transforment en commandeurs des croyants (changeant ministerium en imperium), bien que, pour masquer cette usurpation, ils se donnent toujours le titre modeste de serviteurs. Mais ce rôle de commandeurs leur coûte cher à soutenir ; la raison aurait pu aisément gouverner, eux, pour gouverner, doivent dépenser une immense somme d’érudition. Car leur domination, « aveugle pour ce qui regarde la nature, se charge sur la tête toute l’antiquité et s’ensevelit sous ce faix ». — Voici quelle est la marche que prennent les choses une fois mises sur ce pied :

D’abord, on considère la méthode suivie prudemment