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CHAPITRE II

LA RELIGION CHRÉTIENNE COMME RELIGION SAVANTE.


Quand une religion expose comme nécessaires des articles de foi que la raison ne peut reconnaître à ce titre, et qui doivent pourtant à perpétuité se transmettre aux hommes sans changement (pour ce qui est de leur fond essentiel), il faut (à moins d’admettre un miracle continuel de la révélation) regarder cette religion comme un bien sacré dont la garde est confiée à des savants. Car bien que, aux premiers temps, accompagnée de miracles et de faits, elle ait pu partout être admise, même en ce qui n’est point confirmé par la raison même, le récit lui-même de ces miracles et les enseignements qu’ils doivent confirmer rendent nécessaire, aux siècles futurs, pour l’instruction de la postérité, une doctrine scripturaire, documentée et immuable.

C’est à l’admission des principes d’une religion que l’on donne, par excellence, le nom de foi (fides sacra). Nous aurons donc à regarder la foi et comme une foi rationnelle pure et comme une foi révélée (fides statutaria). La première est la foi librement adoptée par tous (fides elicita), tandis qu’on peut dire de la seconde qu’elle est une foi commandée (fides imperata). L’existence du mal au cœur de tout homme sans exception, l’impossibilité de jamais nous considérer comme justifiés devant Dieu par notre conduite, et en même temps la nécessité d’avoir une justice qui soit