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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

cela. ― Par les expressions qu’il emploie de « porte étroite » et de « chemin étroit », il nous prémunit encore, au surplus, contre la fausse interprétation de la loi, que les hommes se permettent afin de passer outre à leur véritable devoir moral et de se croire absous d’un pareil manquement par l’observation du devoir ecclésiastique (VII, 13)[1]. D’autre part, il exige que ces intentions pures se traduisent aussi en actes (v. 16) et détruit l’espoir astucieux des hommes qui pensent suppléer au défaut de bonnes actions par des témoignages de dévotion rendus au législateur souverain dans la personne de son envoyé qu’ils invoquent et qu’ils glorifient en vue de s’attirer ses faveurs par leurs flatteries (v. 21). Et ces œuvres, il veut qu’on les accomplisse en public, pour que la postérité les ait comme exemple (V, 16), et de plus avec bonne humeur, non comme des actes accomplis par force et servilement (VI, 16), afin qu’étant peu de chose au début, par communication et par diffusion de tels sentiments, comme un grain de blé dans la bonne terre ou comme un ferment du bien, la religion arrive par sa force intrinsèque à s’accroître insensiblement et à devenir un règne de Dieu (XIII, 31, 32, 33). ― Enfin il rassemble tous les devoirs : 1) dans une règle générale (comprenant à la fois les relations morales internes et externes des hommes) qui est : fais ton devoir sans autre mobile que sa considération immédiate, c’est-à-dire, aime Dieu (législateur à l’égard de tous les devoirs) et aime-le par dessus tout ; 2) dans une règle spéciale portant sur les relations extérieures des hommes entre eux considérées en tant que devoir général : aime ton prochain comme toi-même, c’est-

  1. La porte étroite et l’étroite voie qui mène à la Vie doivent être entendues de la bonne conduite ; la porte large et la voie spacieuse que suivent les fouies est l’Église. Non pas qu’elle soit responsable, ni ses dogmes non plus, de ce que les hommes se perdent, mais parce qu’on regarde l’entrée dans l’Église et le fait d’en admettre les règlements et d’en célébrer les rites usuels comme étant le culte que Dieu veut, à proprement parler, qu’on lui rende.