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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

chacun, sans que, grâce à elle, existe une église en tant qu’universelle association (omnitudo collectiva) et sans que cette Idée vise proprement à rien de pareil. ― Mais comme une telle unanimité ne pourrait point d’elle-même se maintenir, ni, par suite, se propager dans son universalité sans l’institution d’une Église visible, et qu’elle a besoin pour cela de l’universalité collective, ou autrement dit de l’union des fidèles en une Église (visible) suivant les principes d’une religion rationnelle pure, et comme, d’autre part, un pareil groupement ne saurait résulter de cette unanimité par lui-même ou que, s’il était établi, ses libres adeptes ne pourraient point (ainsi que j e l’ai démontré plus haut) lui procurer cette stabilité que doit avoir une communion des fidèles (puisque pas un de ces illuminés ne croit avoir besoin, pour ses sentiments religieux, d’être en communauté de croyance avec d’autres hommes professant la même religion) ; à moins qu’à ces lois naturelles, connaissables par raison seule, ne viennent aussi s’ajouter des prescriptions positives accompagnées du prestige législatif (c’est-à-dire d’autorité), on n’aura pas encore — et c’est cependant pour les hommes un devoir tout particulier et en même temps un moyen d’arriver à leur fin suprême  — on n’aura toujours point l’union stable de tous sous forme d’une Église visible universelle ; et l’autorité nécessaire pour fonder une telle Église présuppose un fait (ein Factum) et non pas simplement l’idée pure de la raison.

Or, si nous admettons qu’un docteur connu par l’histoire (ou tout au moins par une tradition universelle et solidement établi,) est venu proposer une religion pure, à la portée de tous (naturelle) et par suite convaincante pour tout le monde, dont il nous est conséquemment possible d’examiner nous-mêmes les doctrines, puisqu’elles nous sont immanentes (uns au`behalten) ; que cette religion, il l’a enseignée en public malgré l’opposition d’une foi d’Église dominatrice, accablante et sans but, moral (telle que nous pouvons en donner le culte servile comme le modèle de