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CHAPITRE PREMIER

LA RELIGION CHRÉTIENNE COMME RELIGION NATURELLE


La religion naturelle, en tant que morale (als Moral), (sous le rapport de la liberté du sujet), rattachée au concept de l’être qui peut donner de l’efficacité à cette fin qu’elle a pour but suprême (au concept de Dieu en sa qualité de créateur moral du monde) et projetée sur une durée qui, pour l’homme, cadre avec toute cette fin (et qui est l’immortalité), est un concept pratique et pur de la raison, qui, nonobstant sa fécondité infinie, présuppose assez de facultés rationnelles spéculatives et permet de convaincre de sa vérité tous les hommes, d’une façon suffisante, pratiquement, et tout au moins de leur en imposer la pratique comme un devoir. Elle possède en soi le grand caractère exigé de la véritable Église, à savoir les qualités requises pour être universelle (die Qualification zur Allgemeinheit), si l’on entend par là ce qu’il faut pour qu’elle s’applique à tout homme en particulier (universalitas vel omnitudo distributiva), c’est-à-dire pour qu’elle atteigne l’unanimité absolue. Pour se répandre ainsi et se maintenir en ce sens comme religion universelle, elle a besoin, sans doute, d’un ensemble de serviteurs (ministerium) dévoués à l’Église purement invisible, mais non de fonctionnaires (officiales), c’est-à-dire qu’il lui faut des docteurs et non pas des chefs, car la religion rationnelle est particulière à