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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

et par sa raison propre la conviction qu’elle est vraie. En ce cas, objectivement, cette religion serait naturelle, tandis qu’elle serait, subjectivement, révélée ; le premier qualificatif est donc celui qui lui appartient proprement. Car on pourrait, dans la suite des âges, perdre entièrement la mémoire du fait d’une pareille révélation surnaturelle, sans que pour cela cette religion vît diminuer en rien sa clarté ou perdit de sa certitude et de sa puissance sur les esprits. Il en est autrement d’une religion que sa qualité intrinsèque nous permet seulement de considérer comme révélée. À moins d’être gardée par une très sûre tradition ou d’être conservée dans les livres saints qui la prouvent, elle disparaîtrait du monde, et il faudrait qu’une révélation surnaturelle eût lieu dès lors périodiquement, si on la suppose publique, ou bien se produisit continuellement, dans le cas contraire, en chaque homme, sans quoi cette croyance ne serait pas capable de se répandre et de se propager.

Mais il faut qu’au moins en partie, toute religion, même révélée, ait encore certains principes de la religion naturelle. Car la révélation ne peut être ajoutée au concept d’une religion que par la raison, parce que ce concept lui-même, étant dérivé d’une soumission (Verbindlichkeit) à la volonté d’un législateur moral, est un pur concept de raison. Une religion révélée pourra donc elle-même être considérée d’un côté comme naturelle et de l’autre comme savante, et dans son examen on pourra distinguer ce qu’elle doit et combien elle doit à chacune de ces deux sources.

Or, pour peler d’une religion révélée (ou tout au moins tenue pour telle) nous devons emprunter un exemple à l’histoire ; car, pour être compris, nous serions contraints sans cela d’inventer, à titre d’exemples, des cas dont on pourrait nous refuser d’admettre la possibilité. Le mieux, c’est de prendre un livre qui en contienne — surtout un de ces livres où se trouvent encastrés des préceptes moraux et par conséquent des doctrines apparentées à la raison — et d’en