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PREMIÈRE SECTION

DU CULTE DE LIEU DANS UNE RELIGION EN GÉNÉRAL



La religion (vue subjectivement) est la connaissance de tous nos devoirs comme commandements divins[1].

  1. Cette définition aura le mérite de prévenir plusieurs fausses interprétations du concept de la religion en général. Premièrement, en ce qui concerne la connaissance et la profession théoriques, elle ne requiert pas de science assertorique (pas même celle de l’existence de Dieu), parce qu’en raison de notre ignorance au point de vue d’objets suprasensibles, il se pourrait déjà qu’une profession de ce genre fût simulée ; elle présuppose tout simplement, au point de vue de la spéculation, en ce qui regarde la cause suprême des choses, une admission problématique (une hypothèse) et, en ce qui regarde l’objet vers lequel nous fait tendre notre raison qui commande moralement, une croyance assertorique pratique, et par conséquent libre, promettant un effet à la fin suprême de la raison ; il n’est ainsi besoin que de l’Idée de Dieu, où doivent aboutir inévitablement tous les efforts moraux ayant en vue le bien accompli sérieusement (et par conséquent avec foi), sans qu’on se prétende capable par la connaissance spéculative, de garantir à cette idée la réalité objective. Dans les choses qui peuvent être données comme un devoir à tous, le minimum de connaissance (il se peut qu’il y ait un Dieu) doit, au point de vue subjectif, être suffisant à lui seul. Deuxièmement cette définition de la religion en général s’oppose à la fausse idée par laquelle on la représente comme un ensemble de devoirs spéciaux qui se rapportent immédiatement à Dieu, et nous empêche ainsi d’admettre (chose à laquelle l’homme se sent par ailleurs très enclin) outre les devoirs humains éthico-civils (les devoirs des hommes envers les hommes), un service de courtisan grâce auquel nous pourrions tenter de racheter nos manquements aux devoirs de la première espère, par l’accomplissement dei ; autres. Il n’y a point de devoirs spéciaux envers Dieu dans une religion universelle ; car Dieu ne peut rien recevoir de nous ; nous ne pouvons agir ni sur lui, ni pour lui. Présen-