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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

bienveillance étant l’accord des hommes avec la loi sainte, dans la mesure où ils ont pu, comme enfants des hommes, se conformer aux exigences de la loi. — En un mot, Dieu veut qu’on le serve sous ces trois attributs spécifiquement différents qui ont reçu le nom de personnes distinctes (non pas physiques, mais morales) existant dans un Être unique, dénomination assez convenable ; dans ce symbole est exprimée aussi toute la religion morale pure qui, sans cette distinction, risquerait, en vertu du penchant qu’a l’homme à concevoir la divinité comme un chef humain, de se changer en foi servile et anthropomorphique (les souverains ne séparant point d’ordinaire ces trois attributs l’un de l’autre, mais les mêlant souvent et les employant l’un pour l’autre).

Mais si la croyance en question (qui admet en Dieu une trinité) était regardée non pas simplement comme l’expression d’une Idée pratique (als Vorstellung einer praklischen Idee), mais comme devant, au contraire, représenter ce qu’est Dieu en lui-même, elle serait alors un mystère qui dépasserait tous les concepts humains et qui serait, par suite, incapable d’admettre une révélation qui fût à la portée de l’humaine compréhension, et l’on pourrait dire, à ce point de vue, que cette croyance est bien un mystère. La regarder comme une augmentation de la connaissance spéculative (theoretischen Erkenntniss) de la nature divine, ce serait simplement professer un symbole de croyance ecclésiastique entièrement incompréhensible pour nous, et qui est anthropomorphique, dès que nous croyons le comprendre, ce qui n’aurait pas le moindre avantage au point de vue de l’amélioration morale. — Il n’y a que les choses susceptibles pratiquement d’être tout à fait bien comprises et pénétrées, mais qui, du côté théorique (par rapport à la détermination de la nature de l’objet en soi) dépassent tous nos concepts, qui soient des mystères (à un point de vue) et qui (à un autre) pourtant soient suscepti-