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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

Mais étant donné que cette croyance, qui a purifié du nuisible anthropomorphisme le rapport moral des hommes à l’Être suprême, au profit de la religion en général, et l’a rendu conforme à la juste moralité d’un peuple de Dieu, s’est présentée d’abord dans une doctrine de foi (celle du Christianisme) qui, seule, l’a publiquement offerte au monde, il est bien permis d’appeler sa manifestation la révélation de ce qui était jusque-là pour les hommes un mystère par leur propre faute.

Cette doctrine, en effet, nous enseigne, premièrement, qu’il ne faut pas se faire du législateur suprême l’idée d’un législateur complaisant (gnädig), et, par conséquent, indulgent pour la faiblesse humaine, pas plus que celle d’un despote qui commanderait simplement d’après son droit illimité, et qu’il ne faut pas se représenter ses lois comme arbitraires, sans aucun lien avec nos concepts de la moralité, mais bien comme des lois qui ont rapport à la sainteté de l’homme ; deuxièmement, qu’il ne faut pas faire consister sa bonté dans une bienveillance inconditionnée vis-à-vis de ses créatures, mais dans le soin qu’il prend de regarder d’abord les qualités morales par lesquelles ces créatures peuvent paraître agréables à ses yeux, pour suppléer ensuite, et alors seulement, à l’impuissance où elles sont de remplir d’elles-mêmes toutes les conditions ; troisièmement, qu’on ne peut pas se représenter sa justice comme s’accompagnant de bonté, de miséricorde (ce qui renferme une contradiction), ni cornue s’exerçant dans toute la rigueur de la sainteté du législateur (devant laquelle aucun homme n’est juste), mais simplement comme une limite à la bienveillance, la condition de cette

    idées aux derniers temps de leur hiérarchique constitution. Car les Pharisiens accusant le Christ de s’être appelé Fils de Dieu ne semblent point faire peser spécialement leur inculpation sur la théorie que Dieu a un fils, mais uniquement sur ce fait que le Christ a voulu être ce Fils de Dieu*.]

    * Cette remarque est une addition de la 2eédition.