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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

(die Gewissenhaftigkeit der Unterthanen… in Versuchung bringen) en leur offrant ou en leur refusant certains avantages sociaux ordinairement départis à tous, ce qui, sans mettre en compte l’atteinte ainsi portée à une liberté sacrée en pareil cas, peut difficilement procurer à l’État de bons citoyens. Qui d’entre ceux qui s’offrent pour entraver le libre développement des dispositions divines ayant en vue l’amélioration du monde ou d’entre ceux qui proposent d’y faire obstacle, consentirait après avoir pris conseil de sa conscience, à répondre de tout le mal qui peut résulter de ces entreprises violentes capables d’arrêter peut-être pour longtemps le progrès dans le bien à quoi vise la Providence et même de le faire retourner en arrière, bien que nulle puissance et nulle institution humaines ne soient en état de le supprimer jamais tout à fait.

Le royaume des cieux est enfin, pour ce qui regarde la direction de la Providence, représenté dans cette histoire non seulement en train de s’approcher, certes fort lentement à certaines époques, quoique toujours sans arrêt cependant, mais encore en train de faire son entrée. Il est vrai qu’on peut expliquer comme une représentation symbolique ayant uniquement pour but de donner plus de force à notre espérance, à notre courage et à nos aspirations vers ce règne, la prophétie qui (dans l’Apocalypse, comme en des livres sibyllins) vient s’ajouter à ce récit historique, pour nous peindre l’achèvement de ce grand changement du monde sous la forme d’un règne visible de Dieu sur la terre (royaume gouverné par le représentant, le lieutenant de Dieu, descendu de nouveau du ciel), pour nous peindre aussi la félicité dont on jouira sur la terre après que le Seigneur aura mis à part et chassé les rebelles, qui essaieront encore une fois de lui résister, ainsi que le complet anéantissement de ces révoltés et de leur chef, de sorte que la fin du monde est la conclusion de l’histoire. Le Maître évangélique n’a montré à ses disciples que le côté moral, magnifique et

Kant. — Religion. 11