Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/179

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

bien que, sous le rapport de la force du souvenir lié à son mérite, à son enseignement ainsi qu’à son exemple, il ait pourtant pu dire qu’(Idéal de l’humanité agréable à Dieu) « il reste néanmoins avec ses disciples jusqu’à la consommation des siècles ». — À cet enseignement qui aurait eu besoin d’être confirmé par des miracles, si l’on avait, en quelque façon, eu affaire à une croyance historique à cause de la naissance et du rang peut-être supra-terrestre de la personne qui nous l’apporta, mais qui regardé simplement comme relevant de la foi morale réformatrice (seelenbessernden) peut se passer d’une telle démonstration par rapport à sa vérité, sont encore ajoutés, dans un livre sacré, des miracles et des mystères dont la divulgation est elle-même un miracle et qui requièrent une foi historique dont seule l’exégèse (Gelehrsamkeit) peut vérifier la valeur et assurer l’importance et le sens.

Mais toute croyance qui, en tant que croyance historique, se fonde sur des livres doit avoir comme garantie un public éclairé, au milieu duquel il lui soit possible d’être censément contrôlée par des auteurs contemporains échappant au soupçon de toute connivence avec ses premiers propagateurs et se trouvant sans interruption bien d’accord avec les auteurs actuels. La foi rationnelle pure ne réclame pas au contraire une pareille vérification, mais se démontre d’elle-même. Or, quand s’effectua cette révolution, il existait déjà, dans le peuple qui exerçait sa domination sur les Juifs et qui avait, d’ailleurs, en ces contrées conquises de nombreux citoyens (dans le peuple romain), un public éclairé qui, par une série ininterrompue d’écrivains, nous a transmis l’histoire des faits contemporains ayant rapport à l’ordre politique ; au reste, quelque indifférent que pût être ce peuple à l’égard des croyances religieuses de ses sujets autres que les Romains, il n’était cependant nullement incrédule à l’endroit des miracles qui se seraient publiquement accomplis parmi eux ; or ses auteurs contem-