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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

tielle), mais ne vise tout simplement que l’observation extérieure. C’est là d’ailleurs ce que met en lumière l’observation qui suit. Deuxièmement, toutes les conséquences de l’accomplissement ou de la transgression de ces commandements, toutes les récompenses et tous les châtiments n’étaient que d’ordre temporel, chacun pouvant sur cette terre recevoir le prix de ses œuvres, et ne répondaient pas à des concepts moraux, puisque la postérité, elle aussi, devait avoir sa part de faveurs ou de peines pour des faits ou pour des méfaits auxquels elle n’avait pris aucune part active, ce qui sans aucun doute, dans une constitution politique, est un moyen prudent de se concilier l’obéissance, mais serait contraire à toute équité dans une constitution morale. Comme sans la croyance à une vie future on ne peut concevoir aucune religion, le Judaïsme, en tant que tel, pris dans sa pureté, ne contient donc pas de foi religieuse. C’est ce qui sera confirmé par l’observation suivante. Il est difficile, en effet, de douter que les Juifs, comme les autres peuples, même les plus grossiers, n’aient eu une croyance à une vie future, par conséquent un ciel et un enfer, car cette croyance, en vertu de la disposition morale universelle dans la nature humaine, s’impose d’elle-même à tous. C’est donc sûrement à dessein que le législateur de ce peuple, bien qu’on nous le représente comme Dieu même, n’a pas voulu tenir le moindre compte de la vie future, ce qui montre bien que son intention n’était que de fonder un État politique et non pas un État moral ; quant à parler, dans cet État, de récompenses et de châtiments qui ne sauraient être visibles au cours de cette vie, c’eût été là, par hypothèse, un procédé tout à fait inconséquent et très maladroit. Dans la suite, les Juifs, on ne peut en douter, se sont fait, chacun pour lui-même, une certaine foi religieuse qu’ils mêlaient aux articles de leur foi statutaire, mais cette croyance supplémentaire n’a jamais, toutefois, fait partie intégrante de la législation du Judaïsme. Troisièmement, le