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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

tout différents (l’un empirique, l’autre rationner et sur ces principes se grefferait, que l’on dût partir de l’un ou de l’autre, un conflit véritable des maximes, sans qu’aucune raison pût jamais l’aplanir. ― La proposition : il faut croire qu’il a existé autrefois un homme dont la sainteté et dont les mérites ont été si grands qu’il a satisfait à la fois pour lui et pour tous les autres (accomplissant tout son devoir et suppléant aux manquements relatifs à notre devoir), — chose dont la raison ne nous dit rien, — pour espérer qu’il nous est possible à nous-mêmes, en nous conduisant bien, d’être sanctifiés, mais seulement en vertu de cette croyance ; cette proposition énonce tout autre chose que la suivante : il faut s’appliquer de toutes ses forces à faire naître en soi la sainte intention d’une vie agréable à Dieu, afin de pouvoir croire que l’amour qu’Il a pour l’humanité (amour dont la raison nous assure déjà), si cette humanité s’efforce de tout son pouvoir d’exécuter les volontés divines, suppléera, par égard pour la bonne intention, aux imperfections du fait, de quelque manière que ce puisse être. ― Le principe empirique n’est pas à la discrétion de tout homme [même de l’ignorant]. L’histoire nous montre que cette lutte entre deux principes de foi a existé dans toutes les formes de religion ; toutes les religions ont en, en effet, des expiations, quelles qu’elles fussent. Mais la disposition morale inhérente à chacun des hommes ne manquait pas, de son côté, de faire entendre ses réclamations. Cependant, de tout temps, les prêtres se sont plaints pins que les moralistes ; les premiers tonnaient à grands cris (en sommant les autorités de remédier au désordre) contre l’abandon du culte divin établi pour réconcilier le peuple avec le ciel et détourner les calamités de l’État, . tandis que les seconds déploraient le déclin des mœurs qu’ils attribuaient grandement aux moyens que les prêtres employaient pour purifier !es hommes du péché et qui permettaient à chacun de se réconcilier aisément avec la divinité malgré les plus grossiers des vices.