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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

quence de cette foi et de l’acceptation du bienfait qui lui est offert. C’est une foi que nul homme sérieux ne saurait laisser naître en lui, quelque penchant qu’ait l’amour de soi à changer en espoir le simple souhait d’un bien en vue duquel on ne fait rien ou même l’on ne peut rien faire, comme si, attiré par le simple désir, ce qui est l’objet de ce bien pouvait arriver de lui-même. Le seul moyen qui permettrait à l’homme de s’aventurer jusque-là, serait de regarder cette foi elle-même comme venue céleste-ment en lui, et par suite comme une chose dont il n’a aucun compte à rendre à sa raison. Mais s’il ne le peut pas, ou s’il est encore trop sincère pour feindre une pareille confiance à titre simplement de moyen d’insinuation, malgré tout son respect pour cette satisfaction infinie, malgré tout son désir d’en être aussi le bénéficiaire, il ne pourra pas s’empêcher de la regarder seulement comme conditionnée, c’est-à-dire de penser qu’il doit, autant qu’il est en lui, améliorer sa conduite avant d’avoir le moindre motif d’espérer qu’un mérite si élevé puisse devenir son partage. ― Par conséquent, si la connaissance historique d’une satisfaction donnée, fait partie de la foi d’Église, tandis que la bonne conduite est une condition qui dépend de la foi morale pure, cette dernière foi devra précéder l’autre.

2. Mais si l’homme est foncièrement corrompu, comment peut-il se croire, par lui-même, capable, de quelque façon qu’il s’y prenne, de se transformer en homme nouveau et de devenir agréable à Dieu, s’il a conscience des fautes dont il s’est rendu jusqu’ici coupable, s’il est encore en la puissance du principe mauvais, et s’il ne trouve pas en lui la force suffisante pour mieux se conduire désormais ? S’il lui est impossible de considérer la justice, qu’il a lui-même excitée contre lui, comme apaisée par la satisfaction d’un autre, s’il ne peut point s’envisager lui-même comme régénéré, peut-on dire, par cette foi, de manière à pouvoir en-