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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

la seconde, c’est la croyance à la possibilité de devenir agréables à Dieu par la [bonne] conduite que nous aurons à l’avenir. — Ces deux conditions ne constituent qu’une croyance et il est nécessaire qu’elles aillent toujours en-semble. Mais on ne peut bien voir la nécessité d’une connexion qu’en admettant qu’une des deux choses liées peut être dérivée de l’autre, et par suite que la croyance à l’absolution de nos fautes a pour effet notre bonne con-duite, selon la loi des causes efficientes au point de vue moral, ou que, selon la même loi, cette croyance est, au contraire, le résultat de l’intention sincère et agissante que nous avons de nous bien conduire toujours.

Or, il se montre ici une antinomie remarquable de la raison humaine avec elle-même, et pour la résoudre, ou du moins, si la solution en est impossible, pour l’écarter, il n’y a qu’un moyen : c’est de se demander s’il faut qu’une foi historique (d’Église) se surajoute toujours, comme élément essentiel de la croyance sanctifiante, à la foi religieuse pure, ou s’il se peut qu’étant un simple véhicule, cette foi historique arrive à se résoudre un jour, quelque lointain qu’on le suppose, dans la foi religieuse pure.

1. Si nous admettons qu’il y a eu une satisfaction donnée pour les péchés des hommes, nous concevons certes que tout pécheur soit désireux de se la rapporter, et que s’il n’avait pour cela qu’à croire (ou, ce qui revient au même, qu’à déclarer : je veux qu’elle ait aussi été donnée pour moi), nul n’hésiterait un moment. Mais on ne voit pas bien comment un homme raisonnable qui a conscience d’être fautif, pourra sérieusement admettre qu’il ait simplement à croire au message d’une satisfaction donnée pour lui et (comme disent les Juristes) à l’accepter utiliter, pour considérer sa faute comme effacée et si bien extirpée (jusque dans ses racines) qu’une bonne conduite, sans que, jusqu’à ce jour, il se soit donné la moindre peine pour y atteindre, doive immanquablement être la consé-