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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

s’aide de cette foi peut toujours être dite l’Église véritable ; mais comme il n’est jamais possible aux thèses de foi historique d’être à l’abri de tout conflit, on ne peut la nommer qu’Église militante, tout en ayant la perspective qu’elle finira bien par être l’Église immuable et universelle, l’union de tous, l’Église triomphante ! On appelle sanctifiante une foi qui comporte pour chaque homme en particulier, la capacité morale (la dignité) d’être éternellement heureux. La foi sanctifiante doit donc être aussi la même pour tous, et malgré la variété des croyances ecclésiastiques, elle peut se trouver dans chacune de celles où elle est pratique relativement à son but, qui est la foi religieuse pure. La foi particulière à une religion de culte est au contraire une foi d’esclave et de mercenaire (fides mercenaria, servilis), et elle ne peut pas être regardée comme sanctifiante, parce qu’elle n’est point morale. Pour qu’une foi soit sanctifiante, en effet, il est nécessaire qu’elle soit libre et qu’elle soit fondée sur de purs sentiments du cœur (fides ingenua). L’une croit être agréable à Dieu par des actes (par les exercices du culte), qui (bien que pénibles) n’ont pas cependant en soi de valeur morale et ne sont par suite autre chose que des actes imposés par la crainte ou par l’espérance et que les méchants eux-mêmes peuvent accomplir, tandis que l’autre, pour y réussir, suppose la nécessité d’une intention moralement bonne.

La croyance sanctifiante impose deux conditions à notre espoir de la félicité : l’une est relative à ce que nous ne saurions faire nous-mêmes, ― et il nous est impossible de faire que des actes accomplis par nous soient transformés légalement (aux yeux d’un divin juge) en des actes non accomplis, — l’autre a rapport à ce que nous pouvons et devons nous-mêmes accomplir, ― et nous pouvons commencer une vie nouvelle qui sera conforme à notre devoir. La première, c’est la croyance à une satisfaction (acquittement de notre dette, libération, réconciliation avec Dieu) ;