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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

moyens susceptibles d’en ouvrir la compréhension à la république ecclésiastique.

Ainsi la religion de la raison et la science scripturale sont les vrais interprètes et dépositaires attitrés des livres saints. Il saute aux yeux que le bras séculier ne doit aucunement ni les empêcher de rendre publiques leurs manières de voir et leurs découvertes dans ce domaine, ni les lier à de certains dogmes de foi, car autrement ce seraient des laïques qui contraindraient les clercs à suivre leur opinion qu’ils ne tiennent pourtant que de l’enseignement des clercs. Pourvu que l’État veille à ce qu’il ne manque pas d’hommes instruits et jouissant d’une bonne réputation sous le rapport de la moralité, chargés par lui du soin d’administrer tout ce qui est d’ordre ecclésiastique, il a fait ce que comportent son devoir et sa compétence. Mais les introduire dans les écoles et se mêler à leurs disputes (qui, à la condition de ne pas se faire dans les chaires, laissent le public ecclésiastique dans une complète tranquillité), c’est ce que le public ne saurait demander sans impertinence au législateur [qui en souffrirait dans sa dignité].

Or, il y a encore un troisième prétendant aux fonctions d’interprète, qui n’a besoin ni de raison, ni de science, mais à qui un sentiment intime suffit pour connaître le sens véritable de l’Écriture en même temps que son origine divine. Évidemment, on ne peut pas nier que « celui qui suit la doctrine de l’Écriture et qui fait ce qu’elle prescrit trouvera sûrement qu’elle est de Dieu » ; il est incontestable aussi que l’attrait pour les actions bonnes et pour la droiture dans la conduite, que doit éprouver nécessairement l’homme qui la lit ou l’entend prêcher, doit fatalement le convaincre de la divinité de cette Écriture ; car un pareil attrait n’est pas autre chose que l’effet de la loi morale remplissant l’homme d’un profond respect et par là aussi méritant d’être considérée comme un commande-