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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

que leurs auteurs avaient en vue de leur donner ; car on peut, en laissant cette question de côté, admettre au moins la possibilité de les comprendre ainsi. En effet, la lecture de l’Écriture sainte, la méditation sur son contenu, ont même pour unique fin de rendre les hommes meilleurs ; l’élément historique, ne servant à rien pour cela, est en soi quelque chose de pleinement indifférent que l’on peut traiter comme on veut. ― (La croyance historique est « morte en elle-même », c’est-à-dire qu’en soi, en tant qu’opinion professée [Bekenntniss] elle ne contient rien, elle ne mène à rien qui ait pour nous une valeur morale).

Donc, bien qu’un écrit soit admis comme révélation divine, le critère suprême qui le fait juger tel est que «tout écrit, qui nous vient de Dieu, est utile pour nous instruire, nous corriger, nous améliorer », etc. ; et, comme l’amélioration morale de l’homme constitue la fin propre de toute la religion rationnelle, c’est aussi cette religion qui con-tiendra le principe suprême de toute l’interprétation de l’Écriture. Elle est « l’Esprit de Dieu qui nous conduit en toute vérité ». Or c’est lui qui tout à la fois nous instruit et nous vivifie avec des principes d’actions, et toute la croyance historique que peut encore renfermer l’Écriture est entièrement ramenée par lui aux règles et aux mobiles de la croyance morale pure, seule chose qui constitue ce qu’il y a de religion véritable dans toute croyance ecclésiastique. Toute l’étude et toute l’interprétation de l’Écriture doivent partir de ce principe : chercher en elle cet Esprit ; et « l’on n’y peut trouver la vie éternelle qu’autant qu’elle est l’attestation de ce principe ».

À cet interprète de l’Écriture s’en joint un autre, mais qui lui est subordonné, je veux parler de l’exégète (Schriftgelehrte). L’autorité de l’Écriture, qui est l’instrument le plus digne et le seul aujourd’hui, dans le monde civilisé, réunissant tous les hommes dans une Église, constitue la