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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

tion d’un point de croyance sont-ils appelés sentences tout court. Les interprètes autorisés d’un pareil livre sont, par leur charge même, des personnes quasi sacrées, et l’histoire prouve qu’une croyance fondée sur l’Écriture n’a jamais pu être détruite même par les révolutions politiques les plus radicales, tandis que les croyances reposant sur la tradition et sur d’anciennes observances publiques disparaissent aussitôt que l’État se disloque. Quel bonheur[1] pour les hommes quand ils ont dans les mains un livre de ce genre, qui, outre des statuts ou règles de croyance, contient, dans son intégrité, la plus pure doctrine religieuse morale, et que cette doctrine peut en même temps être mise en harmonie parfaite avec ces statuts (véhicules qui lui servent à s’introduire) ! En ce cas, à cause du but qu’il sert à atteindre, et aussi en raison de la difficulté de s’expliquer, au moyen de lois naturelles, l’origine de la grande illumination par lui opérée dans le genre humain, ce livre peut revendiquer toute l’autorité d’une révélation.


Ajoutons encore quelques mots relatifs à ce concept de foi révélée.

Il n’y a qu’une (vraie) religion ; mais il peut y avoir plusieurs espèces de croyance. — On peut ajouter que dans la pluralité des églises, distinctes les unes des autres à cause de la diversité de leurs croyances spéciales, il peut pourtant se rencontrer une seule et même vraie religion.

Il est donc plus correct (c’est d’ailleurs en réalité l’usage

  1. Expression qu’on applique à tous les objets désirés ou désirables que nous ne sauriens ni prévoir ni amener par notre effort selon les lois de l’expérience, dont nous ne pouvons donc alléguer pour principe, si nous voulons en donner un, qu’une bienveillante Providence.