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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

regardées comme d’autant plus agréables à Dieu qu’elles ne doivent être accomplies qu’en vue de lui. Dans l’arrangement par les hommes d’une république morale, la croyance d’Église précède naturellement[1] la foi religieuse pure, et l’on a eu des temples (c’est-à-dire des édifices consacrés au culte public de Dieu) avant qu’il y eût des églises, c’est-à-dire des lieux où l’on se réunit pour s’instruire et pour vivifier ses intentions morales), des prêtres (c’est-à-dire des gardiens proposés aux pieuses pratiques) avant qu’il y eût des ecclésiastiques (c’est-à-dire des docteurs de la religion purement morale) et, en majorité, le peuple continue encore dans ce domaine à conformer l’ordre de prééminence à l’ordre de préexistence.

Et maintenant qu’il est bien établi (nicht zu ändern steht) qu’une foi d’Église statutaire n’a pas à s’ajouter à la foi religieuse pure en qualité de véhicule et comme un moyen d’amener les hommes à se liguer au profit de cette croyance, il faut encore convenir que la conservation immuable de cette foi, sa diffusion universelle et uniforme et même le respect de la révélation admise en elle seraient difficilement assurées par la Tradition et ne peuvent l’être suffisamment que par l’Écriture qui elle-même, en tant que révélation, doit à son tour être pour les contemporains et pour les générations qui les suivent un objet de haute vénération ; car les hommes ont besoin de cette garantie pour être sûrs de leurs devoirs en ce qui regarde le culte. Un livre saint acquiert la plus grande vénération même (et surtout, devrais-je dire) auprès de ceux qui ne le lisent point, ou qui du moins ne sauraient en tirer aucun concept religieux bien lié, et il n’y a pas de raisonnement qui puisse tenir contre cet arrêt sans appel qui lève tous les doutes [réduit toutes les objections] : c’est écrit dans le livre saint. Aussi les passages de l’Écriture servant à l’exposi-

  1. [Moralement, ce devrait être le contraire.] Note de la 2e édition.