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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

seule (durch unsere eigene blosse Vernunft), et ne devient possible que par une révélation qui, faite à chacun en particulier ou annoncée publiquement pour être propagée par la tradition ou par l’Écriture parmi les hommes, est toujours croyance historique, et non croyance pure de raison. ― Or, je veux bien que l’on admette aussi des lois statutaires divines (des lois qui ne sauraient être obligatoires par elles-mêmes et qui ne se donnent pour telles qu’à titre d’expression de la volonté de Dieu révélée ; il n’en est pas moins vrai que la législation morale pure, par laquelle la volonté de Dieu est originairement écrite dans notre cœur, forme non seulement la condition indispensable de toute la vraie religion en général, mais qu’elle est même proprement ce qui la constitue, et la religion statutaire ne peut être que le moyen servant à étendre et à propager le fond de la vraie religion.

Si donc la question de savoir comment Dieu veut être honoré doit être résolue d’une manière universelle, valable pour tout homme, considéré simplement en tant qu’homme, il faut reconnaître sans hésiter que la législation qui exprime sa volonté ne saurait être que morale ; en effet (supposant une révélation), la législation statutaire peut seulement être considérée comme une législation contingente qui n’est pas arrivée à tous ou ne peut arriver à tous et qui, par conséquent, n’est point obligatoire pour l’homme en général. Les vrais adorateurs de Dieu « ne sont donc pas ceux qui disent : Seigneur ! Seigneur ! mais ceux qui font la volonté de Dieu » ; ce ne sont pas ceux qui glorifient le Seigneur (ou son envoyé, en tant qu’être de nature divine) selon des concepts révélés, que tout homme ne peut avoir, mais ceux qui cherchent à lui plaire par leur bonne conduite, relativement à laquelle tout le monde connaît la volonté de Dieu, ceux qui le servent et l’honorent ainsi qu’il le désire.

Mais si nous nous croyons tenus d’agir non seulement