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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

On pourrait bien aussi concevoir un peuple de Dieu régi par des lois statutaires, c’est-à-dire par des lois auxquelles il faudrait obéir non pas en vue de la moralité, mais seulement de la légalité des actes, et l’on aurait alors une société juridique dont Dieu serait, sans doute, le législateur (dont la constitution serait, par conséquent, une théocratie), mais où des hommes ayant reçu de lui directement, en qualité de prêtres, les commandements qu’ils édictent, constitueraient un gouvernement aristocratique. Mais une pareille constitution, dont l’existence et la forme reposent entièrement sur des bases historiques, n’est pas celle dont la raison moralement législatrice a pour mission de s’occuper et dont la solution est la seule chose à laquelle nous devons travailler ici ; nous l’examinerons, dans la section historique, comme une institution ayant des lois politico-civiles et un législateur qui, bien que Dieu, n’en est pas moins externe, tandis qu’ici nous n’avons à parler que d’une constitution à législation simplement interne, d’une république soumise aux lois de la vertu, c’est-à-dire d’un peuple de Dieu « adonné à de bonnes œuvres ».

À ce peuple de Dieu on peut opposer l’idée d’une bande qui réunit, pour la diffusion du mal, les partisans du principe mauvais ayant tout intérêt à empêcher le groupement des bons, bien qu’ici encore le principe contre lequel ont à lutter les intentions vertueuses ait également sa place en nous-mêmes et qu’on ne lui donne que par image l’aspect d’une force extérieure.


IV. — L’idée d’un peuple de Dieu ne peut avoir (soumise à l’organisation humaine) son accomplissement que sous la forme d’une Église.


L’idée sublime, et toujours impossible à réaliser pleinement, d’une république morale se rapetisse étrangement