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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

(interne), seule chose ici en question. Il faut donc que ce soit un autre que le peuple qui puisse être donné comme législateur publie d’une république morale. Pourtant, des lois morales ne peuvent pas non plus être conçues comme émanant sans plus, originairement, de la volonté de ce chef (comme des statuts qui, en quelque sorte, avant d’être édictés par lui, ne sauraient être obligatoires), car elles ne seraient pas alors des lois morales et le devoir qu’elles imposeraient (die ihnen gemässe Pflicht) ne serait pas une libre vertu, mais une obligation légale et susceptible de contrainte. Celui-là seul peut donc être conçu comme législateur suprême d’une république morale, de qui nous devons nous représenter que tous les vrais devoirs et, par suite aussi, les devoirs moraux[1], sont en même temps les commandements, et qui, par conséquent, doit posséder aussi le pouvoir de sonder les cœurs, pour pénétrer les intentions les plus cachées de tous, et, comme c’est la c’est la règle dans toute société, rendre à chacun selon ses œuvres. Mais c’est là le concept de Dieu, en tant que chef moral du monde. Une république morale implique donc un peuple soumis à des commandements divins, c’est-à-dire n’est concevable que grâce à l’idée d’un peuple de Dieu, d’un peuple régi par des lois morales.

  1. Dès que l’on reconnaît une chose comme un devoir, n’aurait-elle été imposée que par la décision d’un législateur de ce mande, Dieu nous donne aussi l’ordre de nous y conformer. Sens doute on ne saurait à des lois civiles et statutaires donner le nom d’ordres divins, mais quand elles sont justes (rechtmässig), Dieu nous fait un commandement de leur observation. La proposition : « on doit obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes », signifie seulement qu’au cas où ces derniers ordonnent des choses mauvaises en soi (directement contraire) aux lois momies, on n’a ni le droit, ni l’obligation de leur obéir. Mais en revanche, quand à une loi politico-civile non immorale en soi est opposée une loi statutaire qu’on regarde comme divine, on est fondé à la supposer apocryphe, puisqu’elle s’oppose à un devoir clair sans que jamais elle puisse elle-même attester que réellement elle est commandement divin par des caractères empiriques et de manière suffisante à permettre qu’on aille, en lui obéissant, contre un devoir d’ailleurs bien établi.