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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

nous avons ici un devoir qui, par sa nature et par son principe. se distingue de tous les autres. ― On aperçoit déjà, par anticipation, que ce devoir implique l’intervention d’une autre idée, je veux parler de celle d’un Être moral supérieur, qui, par ses dispositions générales, conduit les forces, insuffisantes en soi, des individus, à se grouper pour une action commune. Mais il nous faut nous laisser guider tout d’abord parle fil conducteur de tee besoin moral en général et voir où il nous conduira.


III. — Le concept d’une république morale est le concept d’un peuple de Dieu gouverné par des lois morales.


Pour qu’une république morale se constitue, il faut que tous les individus soient soumis à une législation publique et crue toutes les lois qui les obligent puissent être considérées comme des commandements d’un législateur commun. Si la république à fonder devait être juridique, il faudrait que le peuple à grouper en un tout fût son propre législateur (pour les lois constitutionnelles), car la législation part du principe que la liberté de chacun a pour bornes les conditions où elle est compatible, d’après une loi générale, avec la liberté de tous[1], et la volonté générale y établit, par suite, une contrainte extérieure légale. Mais quand il est question d’une république morale, le peuple, comme tel, ne peut pas être lui-même considéré comme législateur. Dans une telle république, toutes les lois ne visent, en effet, d’une façon tout à fait spéciale, qu’au développement de la moralité des actes (chose tout intérieure et par suite échappant à des lois humaines publiques), tandis que les lois extérieures, constituant une société juridique, s’occupent seulement de la légalité des actes, chose qui tombe sous les sens, et non de la moralité

  1. Ce principe est celui de tout droit extérieur.