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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

le droit d’y rester ; demander aux pouvoirs publics qu’ils contraignent leurs citoyens à entrer dans une république morale, ce serait en effet une contradiction (in adjecto), étant donné que cette république, dans l’idée que nous en avons, exclut déjà toute contrainte. Certainement, tout pouvoir politique peut souhaiter de voir s’établir en son sein un gouvernement qui mène les âmes avec les lois de la vertu ; car lorsque les moyens de contrainte dont il dispose se trouveraient insuffisants, parce que les juges humains ne peuvent point scruter le cœur des hommes, les sentiments vertueux feraient le nécessaire. Mais malheur au législateur qui voudrait réaliser par la force une constitution ayant pour objet des fins morales ! car non seulement, de cette manière, il réaliserait justement le contraire d’une constitution morale, mais il saperait même et rendrait chancelante sa constitution politique. — Le citoyen d’une société politique, en ce qui regarde le droit qu’a cette dernière de légiférer, demeure donc pleinement libre de s’associer en outre avec d’autres concitoyens pour constituer une union morale ou de rester, s’il le préfère, dans l’état de nature, au point de vue moral. Mais, comme une république morale s’appuie cependant sur des lois publiques et doit avoir une constitution qui les prenne pour fondement, ceux qui s’engagent librement dans cette association, s’ils n’ont pas d’ordre à recevoir des pouvoirs politiques sur la façon dont ils doivent ou non en régler le fonctionnement, doivent pourtant se laisser fixer des limites, je veux dire accepter cette condition de n’y rien admettre qui aille contre le devoir civique de ses adeptes ; et même, s’il s’agit d’une association morale d’une parfaite pureté, on n’a pas du tout à avoir de telles préoccupations.

D’autre part, les devoirs moraux concernant tout le genre humain, le concept de république morale est toujours relatif à l’Idéal d’un Tout comprenant tous les hommes et diffère ainsi du concept de république politique. Par