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PREMIÈRE SECTION

REPRÉSENTATION PHILOSOPHIQUE DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE GRACE A LA FONDATION D’UN RÈGNE DE DIEU SUR LA TERRE.


I. — De l’état de nature, au point de vue moral.


On nomme état juridico-civil (ou politique), les relations qui existent entre les nommes, en tant qu’ils sont collectivement régis par les lois publiques de la justice (lois qui toutes sont de contrainte). Un état éthico-civil est celui où les hommes sont unis par des lois dépourvues de contrainte, c’est-à-dire par les simples lois de la vertu.

Or, ainsi qu’au premier s’oppose l’état de nature juridique (qui, bien que légal, n’est pas toujours juste), il faut distinguer du second l’état de nature moral. Dans ces deux états de nature, chacun se donne à lui-même sa loi, et il n’existe pas d’obligation extérieure à laquelle il s’avoue, comme tous les autres, soumis. Dans ces états, chacun reste son propre juge, sans qu’il y ait une autorité publique puissante qui décide en dernier ressort, suivant des lois, quel est le devoir de chacun, dès que l’occasion s’en présente, et qui fasse accomplir ce devoir par tous.

Une fois qu’est fondée la communauté politique, les citoyens qui la composent, se trouvent, nonobstant leur qualité civile, dans un état de nature moral et ont pleinement