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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

cipe la victoire sur le mauvais. Outre les lois qu’elle prescrit à chaque individu ; la raison morelle législatrice déploie encore un étendard de la vertu comme signe de ralliement autour duquel viendront se rassembler tous les amis du bien pour arriver enfin à triompher du mal et de ses attaques incessantes.

Une association des hommes sous les seules lois de la vertu, comme le prescrit cette Idée, peut s’appeler une société morale, et lorsque ces lois sont publiques, elle peut s’appeler (par opposition à la société juridico-civile) une société éthico-civile ou encore une république morale. Cette république peut se fonder dans une société politique existante et même réunir tous les membres qui la composent (à dire vrai les hommes n’auraient jamais pu la constituer sans avoir comme fondement cette autre société). Mais la république morale a un principe d’association particulier et qui lui appartient en propre (la vertu) ; elle a aussi conséquemment une forme et une constitution qui diffèrent essentiellement de la forme et de la constitution de l’autre. Toutefois, on découvre une certaine analogie entre ces deux sortes de sociétés, à les considérer comme républiques en général ; et sous ce rapport, la première peut être appelée encore un État moral, c’est-à-dire un royaume de la vertu (du bon principe), royaume ou État dont l’Idée trouve dans la raison humaine sa réalité objective parfaitement fondée (entendez le devoir de se grouper pour former un pareil État) bien que, subjective-ment, il n’y ait jamais à attendre du bon vouloir des hommes qu’ils arrivent à se décider à collaborer dans ce but avec harmonie.