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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

miracles, vous ne croyez pas. » Il est cependant très conforme à la conception ordinaire des hommes de se figurer, lorsqu’une religion de simple culte et d’observances touche à sa fin et doit céder la place à une religion fondée en esprit et en vérité (basée sur l’intention morale), que l’introduction de cette dernière, bien qu’elle n’en ait pas besoin, s’accompagne aussi dans l’histoire, et, pour ainsi dire, se pare de miracles pour annoncer qu’est venu le terme de la première, proclamation qui, sans miracles, n’aurait joui d’aucune autorité ; on s’explique même, et c’est naturel, que, pour gagner à la révolution nouvelle les partisans de la religion établie, on la leur ait donnée comme l’accomplissement de l’ancien symbole, comme la réalisation de la fin que la Providence s’était proposée en l’établissant ; et, cela étant, il ne sert à rien de contester les récits dont il est question, ou les interprétations qu’on en donne, maintenant que la vraie religion est fondée et qu’elle peut d’elle-même se maintenir, actuellement et dans l’avenir, par des principes de raison, après avoir eu besoin, en son temps, de pareils moyens pour aider à son introduction ; car ce serait vouloir admettre que le simple fait de croire et de répéter des choses incompréhensibles (ce qui est loisible à chacun, sans qu’il soit meilleur pour cela ou qu’il le devienne jamais), est une manière, et la seule, de se rendre agréable à Dieu, prétention contre laquelle il faut s’élever de toutes ses forces. Il se peut donc que la personne du Maître de l’unique religion valable pour tous les mondes soit un mystère, que son apparition sur la terre, comme son départ d’ici-bas, comme sa vie riche en exploits et ses souffrances soient de purs miracles, et même que l’histoire qui doit certifier le récit de tous ces miracles elle-même soit un miracle (une révélation surnaturelle) ; nous pouvons laisser subsister la valeur de tous ces miracles et même vénérer en eux l’enveloppe grâce à laquelle une doctrine, dont la créance est basée sur un document ineffaça-