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DEUXIÈME SECTION

De la prétention du mauvais principe à la domination sur l’homme et de la lutte des deux principes l’un contre l’autre.


L’Écriture sainte (Nouveau Testament) expose ce rapport moral intelligible sous la forme d’une histoire où deux principes, aussi opposés dans l’homme que le ciel et l’enfer, représentés comme des personnes distinctes de lui, non seulement essaient l’un contre l’autre leurs forces respectives, mais encore tâchent de faire valoir par le droit (l’un comme accusateur, l’autre comme avocat de l’homme) leurs prétentions contraires, ainsi que devant un juge suprême.

L’homme, à l’origine, avait reçu en partage tous les biens de la terre (1. Moïse, I, 28), mais il ne devait les posséder qu’à titre de fief (dominium utile) sous la suzeraineté de son Créateur et Seigneur (dominus directus). Or, voici qu’aussitôt apparaît un être mauvais (et l’on ne nous dit pas comment il a pu devenir mauvais, au point d’être infidèle à son Seigneur, alors qu’il était bon originellement), qui, dépossédé par sa chute de toutes les possessions qu’il pouvait avoir eues au ciel, veut en acquérir d’autres sur la terre. Comme cet être est d’une espèce supérieure et qu’à titre d’esprit il ne saurait trouver de jouissance dans des objets terrestres et corporels, il cherche donc à établir sa domination sur les âmes ({{lang|de|Gemüther) en excitant les pre-