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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

bles de mesurer directement notre intention, et ne le pouvant que d’après nos actes), l’accusateur qui est en nous prononcerait plutôt une condamnation. C’est donc toujours uniquement à un décret de grâce, mais qui cependant (en tant qu’il se base sur la satisfaction contenue pour nous seulement dans l’Idée de l’intention <prétendue> améliorée, chose que Dieu seule peut connaître) est parfaitement conforme à la justice éternelle, que nous devons de nous voir déchargés de toute responsabilité en raison de ce bien consistant dans la foi (um jenen Guten im Glauben willen).

On peut encore demander si cette déduction de l’Idée d’une justification de l’homme, coupable, sans doute, mais pourtant arrivé à une intention agréable à Dieu, comporte un usage pratique, et quel peut être cet usage. II ne faut pas chercher à voir quel usage positif nous en pouvons faire pour la religion et pour la conduite ; étant donné que cette étude a pour fondement cette condition que ceux qu’elle concerne sont au préalable réellement dans la bonne intention requise, intention que tout usage pratique des concepts moraux a proprement pour but d’aider (de développer et de stimuler) ; car, en ce qui concerne la consolation, la bonne intention la porte déjà avec elle (à titre de consolation et d’espérance, non à titre de certitude) pour qui a conscience de la posséder. Dans cette mesure, par conséquent, la déduction qui nous occupe n’est que la réponse à une question spéculative, que cependant on ne peut passer sous silence, parce qu’alors on pourrait reprocher à la raison d’être absolument impuissante à concilier avec la justice divine l’espérance que nous avons de voir l’homme absous de ses fautes, reproche qui sous maints rapports, surtout sous le rapport moral, pourrait lui porter préjudice. Mais l’utilité négative que l’on peut en tirer, au profit de chacun, pour la religion et les mœurs, est d’une très grande portée. Cette déduction, en effet, nous fait voir que c’est seulement sous la supposition de la conversion totale que peut se