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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

tout à fait de la seconde. Quitter l’intention corrompue pour s’engager dans la bonne intention (ce qui est « mourir au vieil homme, crucifier la chair ») est en soi déjà un vrai sacrifice, car c’est le premier pas dans une longue série des maux de la vie ; et l’homme nouveau les accepte dans l’intention du Fils de Dieu, simplement pour l’amour du bien, quoique cependant, à vrai dire, ils dussent, comme châtiment, être réservés à un autre, c’est-à-dire au vieil homme (car, moralement, c’est bien un autre homme). — Ainsi, bien que physiquement (considéré du point de vue de son caractère empirique d’être appartenant au monde des sens [als Sinnenwesen]) l’homme nouveau demeure le même homme coupable et doive, comme tel, être jugé devant un tribunal moral, et par suite aussi par lui-même, — dans son intention nouvelle (comme être intelligible), il n’en est pas moins un autre moralement, aux yeux d’un juge divin pour qui l’intention vaut l’action ; et cette intention adoptée par lui avec toute la pureté qu’elle avait dans le Fils de Dieu, ou (si nous personnifions cette Idée) ce Fils de Dieu lui-même, se substitue à lui, et aussi à tous ceux qui croient (pratiquement) en Lui, pour porter le poids de leurs fautes, est le Sauveur qui satisfait par ses souffrances et par sa mort à la suprême justice et l’Avocat qui fait qu’ils peuvent espérer de paraître justifiés devant leur juge, pourvu que (dans cette façon de voir) on se représente cette souffrance, que le nouvel homme doit accepter, sa vie durant, en mourant au vieil homme[1], comme une

  1. L’intention morale, quelque pure qu’on la suppose, ne produit rien de plus dans l’homme, considéré en tant qu’être physique, qu’une tendance continuelle à devenir en fait (par conséquent, dans le monde sensible) un sujet agréable à Dieu. Qualitativement (étant donné gtiïl faut la concevoir comme ayant un principe suprasensible) cette intention doit être et peut être, il est vrai, sainte et conforme à son modèle ; quantitativement ― telle qu’elle se traduit en actions ― elle demeure toujours défectueuse et infiniment éloignée de cette perfection. Néanmoins, cette intention, parce qu’elle contient le principe du progrès continu dans la correction de ces défectuosités. comme unité