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AVANT-PROPOS


place que « dans le champ de l’expérience possible (1)[1] » et « les lois de la nature matérielle sont les seules que nous puissions exactement connaître et déterminer (2)[2] ». La science est le fruit de la raison spéculative, qui s’applique à élaborer l’élément représentatif de notre faculté sensible, et se limite aux phénomènes, aux apparences, qu’elle explique en les rattachant les uns aux autres dans une série indéfiniment extensible, suivant la loi de la causalité, sans jamais pouvoir s’arrêter à un terme vraiment premier, sous peine de tomber en contradiction avec elle-même. Ainsi sa méthode est déterministe et tout doit s’expliquer pour elle d’une façon tout à fait mécanique. Nos actes mêmes, en tant que phénomènes, admettent cette détermination, comme tous les phénomènes de la nature, et la connaissance contemplative ne peut rien nous faire connaître des commencements absolus, qui sont d’ordre transcendantal et dépassent donc la spéculation. Mais la raison est cependant portée, dans sa régression sans fin vers les causes, à s’arrêter à un terme premier ; elle souhaiterait qu’il lui fût possible de prouver objectivement l’existence de Dieu et les autres thèses métaphysiques pour donner à nos connaissances une unité systématique, tant il est vrai que ces propositions ont « pour notre raison dans l’usage empirique un intérêt spéculatif (3)[3] ». Nous devons pourtant reconnaître, toute notre connaissance étant immanente, c’est-à-dire enfermée dans le monde phénoménal, que la raison spéculative « est entièrement incapable d’établir, concernant l’existence de Dieu, la liberté, la vie future, des assertions affirmatives (4)[4] » ; mais il nous faut également admettre que son impuissance est la même, si toutefois elle n’est pas plus

  1. (1) Loc. cit., p. 598.
  2. (2) Loc. cit., p. 588.
  3. (3) Loc. cit., p. 586.
  4. (4) Id., p. 593.