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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

se borne à considérer isolément le crime, par suite l’acte et l’intention qui s’y rapporte, sans rechercher l’intention générale, les choses soient bien différentes) ; et tout homme ainsi, méritant une punition infinie, devrait s’attendre à être exclu du royaume de Dieu.

La solution de cette difficulté repose sur ce qu’on va lire. Nous devons penser que la décision d’un juge qui sonde les cœurs est telle qu’il la tire de l’intention générale de l’accusé, et non des phénomènes par où elle se manifeste, actions divergentes ou concordantes relativement à la loi. Or, on suppose ici dans l’homme une bonne intention qui a pris le dessus sur le mauvais principe autrefois dominant chez lui, et l’on se demande, cela étant, si la conséquence morale de l’intention première, le châtiment (ou, en d’autres termes, l’effet du déplaisir causé à Dieu par le sujet), peut se rapporter aussi à l’état où se trouve l’homme quand son intention s’est améliorée et qu’il est déjà un objet de la complaisance divine.

Ce qui est ici en question n’étant pas de savoir si, même avant la conversion, le châtiment dont est menacé le pécheur peut s’accorder avec la justice divine (ce dont nul, en effet, ne doute), ce châtiment ne doit pas (dans cette recherche) être conçu comme subi par lui avant l’amélioration. Et il n’est pas admissible non plus de le placer après la conversion, au moment où l’homme est entré déjà dans une vie nouvelle, quand moralement il est un autre homme, et de l’envisager comme approprié à sa nouvelle qualité (d’homme agréable à Dieu) ; et néanmoins la justice suprême, qui ne peut pas laisser un coupable impuni, doit toujours être satisfaite. Puisque le châtiment ne peut donc, ni avant ni après la conversion, être conforme à la sagesse divine et que cependant il est nécessaire, il faut le concevoir comme approprié à cette sagesse et comme exercé au moment de la conversion elle-même. Par conséquent, il nous faut voir, si, dans ce dernier état, au moyen du concept